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Le lendemain matin, invité d’une édition spéciale de l’émission Wall Street Week sur la chaîne PBS, Anton Birnbaum expliqua les raisons pour lesquelles la destruction du quartier financier de Manhattan ne marquait pas tout à fait la fin du monde civilisé.
— Le grand marché américain a effectivement été assommé vendredi dernier. Toutefois – croyez-le ou non –, il existe d’autres marchés chhez nous et il n’est pas totalement exclu qu’ils deviennent les bénéficiaires de ce désastre… Je pense notamment aux Bourses du Midwest, du Pacifique et de Philadelphie. Si un actionnaire d’AT&T se voit contraint de vendre cinquante actions pour payer le dernier remboursement de son crédit immobilier a son courtier du coin est parfaitement à même de traiter l’opération sans passer par New York. Évidemment, il se peut qu’il ne trouve pas d’acheteur à un prix s’approchant de ce qu’il demande. Il est clair que c’est à Chicago que les choses décisives se joueront cette semaine. Entre la Bourse du Midwest et les deux premières Bourses du commerce, cela laisse encore à tout le monde des tas d’occasions de perdre énormément d’argent.
Bien qu’il tînt un discours délibérément apaisant et rassurant, Anton Birnbaum savait que la situation était en réalité plus dramatique qu’il n’osait le reconnaître. À l’instar de pratiquement tous les gens étroitement liés au marché, il prévoyait un krach.
D’une certaine façon, quelque part au fin fond de lui-même, il se réjouissait presque de cet épisode purificateur, qui se faisait attendre depuis si longtemps. Le vénérable financier ne pouvait deviner à quel point le rôle qu’il jouerait personnellement dans l’affaire Green Band se révélerait important.